CHRONIQUE 8
TRAFALGAR TRISTE MER
J’ai gardé le souvenir de mon vif étonnement en découvrant à
Londres - lors d’un stage linguistique aussi dispendieux qu’inutile au-delà du
Channel (sauf pour les « A nous les petites anglaises ! ») -, WATERLOO
STATION & TRAFALGAR SQUARE.
Quelle curieuse idée pour des étrangers de donner des noms de
défaites napoléoniennes à des lieux aussi emblématiques ? J’oubliais juste
que, s’il s’agit de défaites pour Napoléon, il s’agit de grandes victoires pour
les Anglais ! Le monde est étrangement fait…
Je me suis depuis intéressé à l’Histoire militaire, non sans facilité, les guerres & batailles traversant l’Histoire de bout en bout... bien que certains aujourd’hui fassent mine d’en douter ?
Franchissant au crépuscule le Cabo de TRAFALGAR - surtout les hauts
fonds qui le débordent- un frisson parcourt mon échine : la mémoire de
tant de morts glorieuses, l’humide fraicheur du tenace vent debout, les embruns
jaillis de l’étrave tossant dans le clapot ?
Mon séjour prolongé en rade de CADIX stimule mon inspiration
pour TRAFALGAR, comme illustration parfaite des cultures anglaises et
françaises.
Du côté français, je trouve tous les défauts propres à leur
caractère, incarné par le Vice-Amiral DE VILLENEUVE à la tête de la
flotte franco-espagnole : velléitaire (il donnera ordres et contre-ordres suite
sur suite) ; incapable de prendre en compte l’avis des personnes
compétentes (les capitaines espagnols, en particulier un des plus brillants
marins de l’époque, l’amiral GRAVINA qui préconisaient de laisser Nelson s’épuiser
face aux tempêtes d’hiver) ; terrorisé par l’arbitraire du dictateur Napoléon
(il se décide à livrer bataille avant que le successeur désigné par Napoléon ne
prenne sa place 3 jours plus tard) ; brillant en stratégie mais nul en
tactique (les meilleurs vaisseaux ne seront pas mis en première ligne… et les plus
faibles ne tiendront pas leur ligne du fait de la houle de SW et des vents
faibles) ; incapable d’emporter l’adhésion de ses officiers supérieurs (l’amiral
Dumanoir commandant l’avant-garde coupée du cœur de la bataille restera prudemment
à distance…).
Du côté anglais, nous sommes dans la success story mythique
incarnée par le Vice Amiral NELSON (il ne deviendra jamais amiral, et
pour cause…) : une ténacité légendaire (il passera près de 10 années sur
mer sans mettre pied à terre plus de quelques semaines entre deux commandements) ;
une audace inouïe (« il était assez intelligent pour savoir désobéir ») ;
un entraîneur d’hommes hors pair, des capitaines aux simples matelots (la Nelson Touch) ; une perception du lieu du combat névralgique (« le vaisseau
amiral de la flotte ennemie » ; un fightging spirit absolu (« si
les ordres ne sont plus visibles, il suffit que chacun soit engagé contre un
navire ennemi ») ; une perception de la portée historique de la bataille
hors norme (à chaque bataille, il s’agit de faire naître l’Histoire) ; un hubris
de la gloire illimité (« ce soir, nous serons fait pair du Royaume ou rien »).
Chaque britannique connaît par cœur la devise England
expects reprenant les premiers mots du message par pavillons hissés au
sommet du mât de son vaisseau amiral, le HMS VICTORY, vaisseau toujours conservé
par l’Amirauté britannique :
« England
expects that every man will do his duty”
De Villeneuve, de retour en France après avoir été fait
prisonnier par les anglais, sera ‘suicidé’ de 6 coups de couteaux dans une
auberge à Rennes sur le chemin qui devait le conduire devant l’Ogre (1806).
Les officiers supérieurs et capitaines espagnols seront tous
célébrés et promus, dont le plus brillant, l’amiral Federico Carlos Duc de
Gravina y Nápoli, mortellement blessé à Trafalgar sur son vaisseau amiral, El
Principe Das Asturias… ce que rappelle la plaque commémorative sur la place
principale de CADIX face à la Catedral de la Santa Cruz (V. photo).
Nelson après sa mort lors de la bataille – contrairement au règlement
maritime – sera inhumé en grande pompe à la St Paul Cathedral à Londres (en
présence de Villeneuve) après avoir vu son corps transporté dans un tonneau
rempli de sherry (ou de rhum) pour le conserver.
On dit qu’il ne restait plus de d’alcool à l’arrivée… (quel goût pouvait-il avoir… l’alcool, pas Nelson ! 😊)
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