CHRONIQUE 31

COLLISIONS SPATIO-TEMPORELLES

Je vais tenter d’exprimer des ressentis difficiles à saisir en moi, et peut-être a fortiori pour ceux qui parcourent ces chroniques décalées.

Pourquoi arrive-t-il que PAX demeure - sans aucun mouvement visible - dans le même mouillage plusieurs longs jours d’affilée ? Et du coup, à quoi puis-je bien occuper mes longues journées au même endroit ?

A terre, il me semble que la question se pose avec beaucoup moins d’acuité ; personne ne s’étonne de voir votre logement toujours rester à la même place… et nul ne s’inquiète de ce que vous pouvez y faire durant de longues journées !

Tel est peut-être paradoxe : un logement est censé demeurer immobile, alors que PAX comme navire serait destiné à toujours être mobile… en oubliant que PAX est simultanément un logement flottant sur l’eau et/ou un mode de navigation entre deux points, ça dépend des moments et des lieux !

D’où la réalité permanente de collisions spatio-temporelles … dont l’écheveau complexe et toujours mouvant occupe une part majeure de mes journées dites ‘immobiles’, en particulier au mouillage.

1° espace spatio-temporel : l’existence au quotidien. 

Chaque jour que Dieu fait, je dois comme tout un chacun manger, boire, dormir, préserver l’ordre intérieur et extérieur, maintenir mon hygiène personnelle – physique et psychique - … avec la nuance que PAX houle sans discontinuer dans un environnement ouvert…

2° espace spatio-temporel : la sécurité jour par jour à la semaine.

Qui dit houle dit vent, donc choix des mouillages plus ou moins protégés selon les conditions météo hyper-locales… alors que les mouillages protégés sont plus que rares !

Le vent souffle fort d’OSO, donc il rend peu confortable la côte OUEST de LA GOMERA avec une forte houle qui interdit tout mouillage sécurisé… alors que la partie SE est ‘partiellement’ préservé…

Le tout est de savoir ce que signifie ‘partiellement’ jour par jour, heure par heure, la nuit y compris ! Sachant que dimanche, la tempête soufflera de Sud… et qu’AUCUN MOUILLAGE n’est protégé, est comme  ouest… et l’unique port est plein !

3° espace spatio-temporel : les réapprovisionnements tous les 15 jours.

Grâce au nouveau frigo, j’ai pu accroître mon autonomie en termes de nourriture fraîche (les boites seront quand il n’y aura pas autre chose à se mettre sous la dent).

Je vous laisse imaginer la liste et le poids des courses uniquement de frais pour 15 jours (sans véhicule) … sans rien oublier ! C’est fou ce que je peux ingérer en me nourrissant moins qu’un bébé-puffin-cendré…

 Il y a aussi les pleins à compléter pour être toujours prêt à partir (eau, gasoil, vin, bières…) … et les liquides sont très pondéreux et encombrants (je préfère ne pas essayer le vin et la bière déshydratés).  Sans oublier les grandes lessives et séchage, ménage et nettoyage pour retirer le sel marin à l’extérieur comme l’intérieur…

Et tout simplement, le fait de mettre le pied à terre pour redécouvrir qu’il peut exister un sol stable malgré mon mal de terre d’éthylique chronique. Accessoirement, sortir l’ermite de sa caverne : visites culturelles, un restaurant si le ministre du budget le permet… (et en plus, ya plein de gens partout !!!).

4° espace spatio-temporel : les grands sauts.

Tous les espaces précédents visent un unique but : préparer des grands sauts les plus rapides, confortables et sécures possibles compte tenu du fragile binôme PAX/Skipper.

La prospective est à 20 à 30 jours… pour des prévisions météo à 8/10 jours qui de fait évoluent en continu… (mais que font les policiers-météo ?!)

Ce qui signifie des fenêtres météo qui dépendent des confrontations titanesques entre des dépressions terrifiantes qui entrent en collision - vague après vague - avec des anticyclones bêtement placides…

En prenant en compte les vents en force et direction et – selon moi, plus encore les houles qui s’étendent bien au-delà des zones dépressionnaires - jusqu’au Cap Vert et côtes africaines -, créant des houles croisées plus qu’inconfortables de l’ouest à l’est et du nord au sud !

Je laisse pour quantité négligeable le calcul des routes orthodromiques pour réduire les distances à parcourir d’une centaine de milles sur plus que 2.000 milles (5% = 1 jour)… en différenciant Route Nord et Sud, on ne sait jamais selon les prévisions tant qu’à raccourcir la route…

Je n’ose pas ajouter la saisie pour chaque route de tous les waypoints tous les 5 méridiens - du 20éme au 55^ème méridien - sur les logiciels de navigation (Navionics & GPS) et de routage (Weather4D) … que je trouve plus que pas du tout ergonomique pour cela (à moins que quelque chose m’ait échappé, ce qui est plus que fort probable) !

Sachant que tous les choix sont toujours ouverts : escale au Cap Vert ou route directe … en comparant les vitesses sur WEATHER 4D et on my own sur NAVIONICS ?

Le tout en envisageant dès maintenant les prolongements possibles : Antilles ou Pacifique et au-delà ?

5° espace spatio-temporel : le monde

C’est une question que je me pose tous les jours : pourquoi continuer à me tenir informé plus ou moins bien et mal de ce qui nous est donné comme ‘nouvelles du monde’ ? (les ‘vraies’ nouvelles pertinentes  étant la plupart du temps difficilement accessibles)

Parfois, l’intérêt peut être direct : si je prévois de faire escale en MARTINIQUE aux petites Antilles, autant savoir que ça chauffe là-bas contre la vie chère.

Mais quel est l’intérêt pour moi d’être au courant de l’élection de Trump ? Quant à découvrir que Britney Spears est nominée 198 fois au Grammy… en même temps que sort au cinéma le dernier blockbuster GLADIATOR de Ridley Scott ???

6°espace spatio-temporel : famille & amis

En revanche, il est un espace spatio-temporel sacré : la famille, les amis, les relations, avec lesquels les liens à distance sont plus étroits qu’à proximité… surtout si je les entretiens à travers des messages réguliers et si possible, intéressants.

Dans cet esprit, il y a en plus les chroniques du BLOG paxazimuth@blogspot.com...

Et mes lectures, ou plutôt relectures de C.J.Jung, et l’écriture de délires personnels sur l’amour (plus aisé d’en parler quand on en est loin 😊) 

Car je m'inclus dans la famille, les amis et les relations... étant tout seul ! 

On distingue un immense saurien fossilisé dans la lave rouge :)

En conclusion, vous l’aurez compris ; tous ces espaces spatio-temporels s’entrechoquent dans ma petite tête toujours agitée par les houles croisées… afin de m’occuper les longs moments où PAX est obligé de demeurer immobile au mouillage…

… en dépit d’une température moyenne de 28°, d’une eau bleue à 24° où s’ébattent les poissons multicolores, d’un ciel clair très fugitivement voilé par quelques nuages vite dissipés, le tout dans une crique solitaire sans un presque aucun signe de vie en vue (sauf les néo-dertals naturistes, hommes et femmes confondus !)