CHRONIQUE 67 KAVA BIEN ?

Rien n’a changé depuis le CAPTAIN COOK... ou presque.

PAX se balance mollement au rythme d’une houle invisible devant le hameau de YASSAVAIRARA, premier havre au nord de l’ile de YASSAWA, une des îles de l’archipel couronnant l’ouest des îles FIDJI.

La route de 120 milles entre SAVUSAVU et YASSAVAIRARA est parcourue en 24h continue, à travers passes et lagons dans la journée, avant de traverser la mer de BLIGHT[1] sous une lune magnifiquement lumineuse, mi-voile, mi-moteur.

A peine l’ancre mouillée par 5m sur fond de sable blanc et d’eau turquoise devant le village, CAPTAIN CAP & KYOGINI savent qu’ils doivent sacrifier au rite du SEVUSEVU pour la première fois.

Les consignes données par les Guides nautiques ou touristiques sont formelles : juste après (sinon avant !) avoir jeté son ancre, les visiteurs marins sont tenus d’aller faire SEVUSEVU avec le Big Chief de la communauté villageoise.

Après avoir remis le canot à l’eau réarmé de son HONDA 5CV 4 STROKE, direction l’immense plage de sable immaculé à quelques encablures.

Accueil par une nuée de jeunes enfants tout sourire jaillissant de la haie de cocotiers :

« Bula ! Bula ! ... we are looking for the BIG CHIEF…. Here he is… come come !”

Marche sur une herbe épaisse parfaitement tondue par le troupeau de chèvres trouvant refuge sur un reste de mont volcanique au milieu du hameau : nulle route, piste, plan... des cases éparses ici ou là.

BIG CHIEF est assis en tailleur sur une natte de pandanus à l’ombre d’un arbre centenaire près d’une case à tout faire non loin de sa grande maison ; la cinquantaine, entouré d’un ancêtre, de son épouse, d’un couple d’une trentaine d’années et de 4 jeunes enfants aux regards emplis de curiosité.

« Bula ! Bula ! We apologize, but this is the first time we do SEVUSEVU … Sit down, no problem… from where are you going from? From France, yes very good Rugby Team !”.

Heureusement, la passion partagée pour le rugby crée un pont entre deux mondes distants de près de 20.000 km... l’équipe de Rugby à 7 fidjienne étant par ailleurs Championne du monde.

Nous offrons alors les racines enveloppées dans du papier journal esthétiquement entouré de rubans multicolores achetées à prix d’or (20$ le paquet) au marché de SAVUSAVU en nous fiant à la vendeuse spécialisée.

BIG CHIEF les reçoit avec une satisfaction plus que mitigée une fois en main : le paquet est trop léger pour contenir beaucoup de racines... et il le confirme en écrasant l’enveloppe de papier entre ses doigts avec un grimace de dépit.

Le SEVUSEVU est mal engagé... il ne s’agit pas d’un cadeau symbolique, mais d’un besoin coutumier, celui d’une douce euphorie personnelle et collective périodique allégeant le fardeau des jours.

BIG CHIEF sacrifie cependant aux rites : il prononce les phrases consacrées les yeuex fermés, le paquet entre ses mains, mots entrecoupés des claquements de main du BIF CHIEF, repris par l'ensemble du groupe.

Voilà la racine permettant de préparer le KAVA - la boisson euphorisante nationale - reçue, même chichement. 

Mais BIG CHIEF a plusieurs autres cordes à son arc pour fonder sa légitimité locale.

« Do you want some fruits? Papaya, limes, pastèques ??? 20$ !” .

Frais cueillis sur les arbres tous proches, présentés dans un grossier mais élégant panier tressé, difficile de refuser... pour les papayes rapides à consommer, no problem ; mais pour les 20 limes, il va falloir trouver des opportunités gustatives...

« Are you interested by craftmanship?... Heuh… yes!”

Visiblement, il doit y en avoir pour tout le monde...

Madame BIG CHIEF – visiblement plus avenante et compréhensive – revient avec un assortiment d’objets artisanaux : corbeilles tressées, bracelets de coquillages, pendentifs...

Au moins, il restera quelques souvenirs durables ; le choix se porte sur une corbeille à fruits parfaite pour accueillir les limes et une tresse de coquillages ornée d’oiseaux en pandanus à suspendre dans le carré de PAXRe-20$...

“Do you get some Super, one gallon?” … et de montrer le générateur flambant neuf faisant fonctionner la pompe à eau du puits desservant tout le village.

Pas de chance, PAX dispose de très peu d’essence pour faire tourner son moteur HB... CAPTAIN CAP ne s’étant muni que de 2 jerrycans de 10l d’essence déjà fortement entamées.

« And for the children, what do you bring? Some sweeties?”

CAPTAIN CAP & KYOGINI ont bien pensé au KAVA, mais pas aux bonbons pour les enfants !

« You go back to your boat and bring them some good things to eat. They will wait for you on the beach until you’re coming”

Pas le choix, la  joie des enfants est sacrée...

Tout semble s’apaiser après ce trading inégal... malgré une dernière grimace de BIG CHIEF soupesant les racines de KAVA plus légères que leur papier d’emballage... et un regard de Mm BIG CHIEF appelant à plus de compréhension pour des étrangers de bonne foi ignorants des mœurs locales.

Coût du SEEVUSEVU : entre 60$ et 80$ à répéter à chaque village devant lequel PAX est conduit à jeter l’ancre... pas trop longuement pour ne pas abuser des bénéfices de l’échange côté BIG CHIEF.

"When do you leave... Tomorow, it's perfect!"

CAPTAIN CAP – décontenancé par ce KAVA BIEN ? - est immergé au même moment dans un passionnant  ouvrage en anglais sur les VOYAGES DU CAPTAIN COOK récupéré dans la bibliothèque de livres à emporter/laisser de NAWI MARINA.

Rien ne semble avoir changé depuis les années 1775 ; un échange même inégal (d’un côté comme de l’autre) vaut mieux que l’indifférence, l’animosité, le rejet, sinon une hostilité déclarée !

Sachant qu’un des objets artisanaux typiques des Fidji reste la Fourchette de Cannibale 😊

 

 

 



[1] BLIGHT - un des maîtres d’équipage de COOK -, est connu malheureusement pour être le capitaine de la BOUNTY et de ses célèbres mutins. Il n’en demeure pas moins un marin exceptionnel entré mousse à 9 ans dans la Royal Navy pour en sortir Contre-Amiral, non sans bonnes raisons connaissant la sélectivité de la méritocratie britannique.

 

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