CHRONIQUE 14
PUFFINS & TREMBLEMENTS
J’entretiens une relation privilégiée avec les PUFFINS…
(CAGARRO/CAGARRAS en portugais).
Je garde vivant le souvenir de leur apparition lors d’un
mouillage à l’île de Porquerolles, -coté Est moins fréquenté -, au pied d’une immense
falaise à pic susnommée justement Le Grand Mur.
Il est autour de minuit par une nuit de lune claire et sereine,
quand tout à coup des centaines (impossible d’en évaluer le nombre !) de
cris de bébés hurlant de douleur noient littéralement l’immense mouillage en surgissant
de tous côtés !
Panique à bord ! Que se passe-t-il ? Où sont ces
nourrissons pleurant à mourir ? Que faire pour leur venir en aide ?
Qui appeler au secours pour les aider ?
Heureusement, l’un d’entre nous plus au fait des choses
animales nous rassure…
Il s’agit de PUFFINS nichant dans les creux de falaises
dont les oisillons hurlent pour que leurs parents - de retour nocturne de leur
pêche très au large (oiseaux dits halieutiques) - les retrouvent parmi plusieurs
centaines d’autres…
Effectivement, au-dessus de nos têtes, à la lueur sporadique
des lampes torche, des centaines de PUFFINS adultes tournoient dans l’air dans
un chaos indescriptible, en lançant également des cris impossibles à oublier.
Depuis, je suis éternellement en quête de falaises à PUFFINS…
retrouvés en d’autres lieux toujours aussi prenants pour ceux qui craignent les
âmes égarées.
Les ILES SELVAGEM étaient donc pour moi un but de voyage en soi.
Les ILES SELVAGEM sont un groupe d’écueils et d’îlots, perdus
au milieu de nulle part, exactement à mi-distance entre l’archipel de MADERE
et les îles CANARIES (150 milles de l’un et de l’autre.
Autrement dit comme le rappelle un monument, les îles
portugaises aujourd’hui les plus au Sud du Portugal !
L’avantage des îles désertes est qu’il est aisé de les
transformer en Zones naturelles protégées sans déranger trop de monde.
Tel est le cas des ILES SELVAGEM (Sauvage) depuis très
tôt – 1971 – pour protéger les PUFFINS des hommes chasseurs d’œufs de puffins…
et de plumes de puffins ornant les chapeaux des belles alors qu’elles en
portaient encore !!!
Depuis, les hommes tentent de préserver ce lieu de reproduction des PUFFINS vers lequel convergent une fois par an au printemps, plusieurs centaines de milliers de mêmes couples, qui retrouvent le même nid, pour y pondre et y couver un seul œuf !
Puis le poussin PUFFIN étant sorti de son œuf, les parents abandonne
l’oisillon -rapidement de taille non négligeable – pour aller chasser sa
pitance durant la journée très au large à des centaines de kilomètres … avant
de lui rapporter durant la nuit.
C’est à ce moment qu’interviennent ces scènes dantesques
où chacun appelle chacun dans des cris désespérés d’enfants hurlants suscitant stupeurs et tremblements …
Jusqu’à ce que les plumes remplacent le duvet… le PUFFIN-ado se trouve alors cruellement privé de toute nourriture par ses propres parents –
suscitant de violentes scènes de sevrage -, et ce afin qu’il maigrisse
suffisamment pour parvenir à voler de ses propres ailes … dure la loi de la
nature !
Pour accéder aux Iles SELVAGEM, il est indispensable au préalable d’en demander l’autorisation sur le site de la Région autonome de Madère (très facile), pour 2 jours au plus… ce qui n’est pas aisé lorsqu’on dépend de la météo !
S’y ajoute un mouillage – justement dénommé Ensenada
das Cagarras – ouvert à la houle, étroit et encombré de dalles
rocheuses entrecoupées de failles où perdre son ancre … à une encablure d’écueils
grondants sous la houle !
Une fois mouillé, chacun est accueilli par une équipe de 5
personnes en rotation tous les 18 jours selon le temps : 2
représentants de la Policia maritima qui contrôle le laisser-passer,
2 guides-accompagnateurs et une personne en charge de l’entretien du
parc matériel (générateurs, dessalinisateurs, réseaux télécoms, groupes-froid, vedettes…).
S’y ajoutent sporadiquement des scientifiques qui
viennent occuper leur longue existence de loisir rémunéré pour établir toutes
les mesures permettant de comprendre la vie compliquée des PUFFINS (comptage, baguage,
prélèvements sanguins…) !
La visite se fait obligatoirement en groupe accompagnée des guides très sympathiques dont les connaissances permettent de mieux comprendre les spécificités de l’île dans le processus de reproduction des puffins.
Bien entendu, chacun a le loisir de photographier à les
toucher autant de gros-bébés-puffins - recouverts de duvet cendré mais
au bec acéré !-, ceux-ci nichant quasiment partout, aussi bien dans des
creux de roches, des trous sous les broussailles, un caillou un peu large, les failles
de murs en pierre sèche…
Paradoxe de la préservation de la nature : les hommes pour soutenir la reproduction des puffins sont amenés à éradiquer les animaux-prédateurs des puffins apportés par l’homme : les rats, les souris, les lapins…
Ce bout du bout du monde révèle combien l’homme n’a pas sa
place en ces mondes naturels dès qu’il sort des sentiers rebattus de ses zones
de confort artificielles…
Un moment magique dont ce compte-rendu didactique ne peut
restituer les émotions intimes…
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