CHRONIQUE 26

FUITE MAGIQUE*

Je suis - comme d’autres personnes - en proie à des ‘démons’ intérieurs si puissants que je suis incité à affirmer en toute objectivité : ‘s’ils sont en moi, ils ne sont pas moi !’

Je parviens parfois, dans un éclair de lucidité bref et violent – perceptuel, émotionnel, intellectuel, spirituel -à prendre conscience de ma désappropriation personnelle.

Mais chasser mon démon intérieur revient à renoncer à l’énergie hors-norme qu’il génère pour me maintenir - sinon vivant ‘authentiquement’ - tout au moins pas tout à fait mort encore.

Comme tous les êtres humains imparfaits, toutes les fibres de mon être s’accrochent à mon démon en hurlant : « par quoi le remplaceras-tu d’aussi puissant ? Peu importe le mal, pourvu qu’il y ait une vie ! »

De multiples démarches thérapeutiques sont destinées – depuis que l’homme est l’homme - à aider les personnes ‘possédées’ malgré elles par un démon autonome à s’en libérer.

Parmi elles, plusieurs contes et légendes désignées par le terme « la fuite magique ».

Au départ, les héros/héroïne naissent affligés d’une malédiction jetée par un de leurs parents biologique ou adoptif (ou des bonnes/méchantes fées au pied de son berceau…).

A travers cette malédiction, le père ou la mère projette leur propre mal sur leur enfant pour l’enfermer dans le même destin que le leur (le même ‘complexe’).

Au moment où les héros/héroïne deviennent en capacité d’échapper à cette malédiction (l’âge de la prise de conscience), le démon du mal se réveille en lui/elle en lui rappelant sa sentence destinale : « tu m’appartiens corps et âme et nul d’autre que moi ne saurait te posséder, sauf à mourir toi-même ».

Survient alors un ‘sauveur’ secret (souvent un animal mythique) qui leur propose de prendre la fuite avec eux le plus loin possible, en se munissant du strict nécessaire.

Au fur et à mesure de leur fuite traversée d’épreuves terrifiantes, les héros/héroïne jettent derrière eux les objets qui leur sont les plus chers, marquant par là le sacrifice des biens artificiels par lesquels le démon les enfermait : le paraître (miroir), la vanité (fleur), les honneurs (vêtement), les richesses (bijou), les connaissances (livres)…

S’engage à la fin un combat à mort entre le « sauveur » et le « démon » … où le sauveur meurt après avoir tué le démon (plus de persécuteur/sauveur, plus de victime…).

Les héros/héroïne peuvent enfin choisir leur vie… par exemple en redonnant vie au « sauveur »… parfois caché derrière l’apparence du démon ! (tuer son démon révèle le sens caché de nos vies…).

Si cette « fuite magique » ne suffit pas à exorciser radicalement son démon, comment survivre au moindre mal ?

Il reste à tout entreprendre pour ne pas le réveiller trop puissamment en prévenant les situations qu’il apprécie plus que tout (celles qui ‘provoquent’ nos complexes !) … en particulier la confrontation avec d’autres démons – synergiques ou contradictoires - ouvrant la voie aux sabbats démoniaques !

Ni tout à fait vivant, ni encore mort, moi qui vais seul sur la mer, suis-je dans la « fuite magique »… et/ou la mise à distance de mes démons ?

 

* Inspiré de Marie-Louise Von Franz, Reflets de l’âme, Chapitre 5 LES DEMONS MALFAISANTS Exorciser les diables ou intégrer les complexes ?, pp.129-134, Editions ENTRELACS, 2011-2017

 

 

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