CHRONIQUE 33
MARINA BUSINESS CASE
Après une journée au mouillage, l’évidence s’impose : PAX
doit trouver une place de port pour bénéficier de toutes les services multiples assurant
une transatlantique apaisée (autant que faire se peut !).
Après avoir mouillé mon fond de maillot orange fluo sur mon
paddle jaune pour rejoindre contre le clapot soulevé par le vent le bout de
quai de MINDELO MARINA réservé aux annexes (le ridicule ne tue pas,
surtout moi !), j’entre en contact avec les ‘autorités’ compétentes…
J’ai en effet tenté en vain de joindre la MARINA par
mail en utilisant plusieurs adresses mail, sachant qu’elle ne répond jamais au
tééléphone, en vain !
Donc pas le choix, il me faut aller au contact…
On me désigne alors celui qu’on dénomme le « BOSS » assis paisiblement à une table du bar réservé aux équipages de la MARINA en conversation avec une autre personne…
Une personne d’origines multiples indéfinissables (blanc,
noir, métis, portugais, autres…) d’un calme olympien qui me répond
immédiatement dans un français fluent (comment devine-t-il que je suis français ?) :
« l’unique moyen est d’appeler le canal 72 ».
J’essaie de contourner l’obstacle en allant voir les deux
personnes du bureau d’enregistrement.
Ils m’indiquent qu’il faut voir avec les personnes qui sont
sur les pontons… je m’enquiert de savoir comment les reconnaître ; on
me désigne l’un d’entre eux qui passe avec sa VHF portable à sa ceinture…
L’un d’entre eux saisit au vol me répond gentiment : « nous
gérons les arrivées / départs au fil de l’eau, donc il faut que vous appeliez
sur le canal 72 ! »
Pas le choix, de retour sur PAX, j’appelle sur le canal 72
en pidgin english sachant que j’ai une horreur de la VHF !…
Quelqu’un me répond immédiatement en français (comment
perçoit-il à l’oreille que suis frenchie, c’est énervant ?) : «
quelle longueur, largeur… et le tirant d’eau ? Rappelez dans 30 minutes ! »
Le temps de saisir à la bonne hauteur (cad à ras de l’eau)
mes multiples pare-battages dépareillés (mais conséquents !), de
mettre à poste les 4 amarres avant et arrière bien lovées, nouvel appel
30 minutes plus tard montre en main : « nous avons trouvé une
place, présentez-vous du côté droite des pannes ».
Je lui pose la question : « la place est-elle au
vent ou sous le vent de la panne ? ». Réponse : « de
toute façon, vous aurez toujours le vent »… (aie !)
Mise en marche du moteur préludant la délicate manœuvre de relever
l’ancre sans personne à l’avant… alors que d’autres voiliers se sont mis
sur l’avant de PAX profitant de l’espace dégagé par mon long mouillage (35 m
dans 7 m de fond)… justement conseillé
face au vent fort permanent balayant le plan d’eau.
PAX est comme toujours d’une fiabilité miraculeuse (encore merci PAX !) et
– bien que l’ancre soit relevée à l’envers -, je me dirige vers la droite des
pannes d’amarrage… la personne du bateau français mouillé devant PAX
dont je frôle l’étrave mal placée ne daigne pas lever les yeux de son portable
de sa place dans le cokpit (je suis parfois saisi par des désirs inavouables de
bateau-tamponneur !)
Sur la première panne la plus au large, une personne me fait
signe de ralentir en attendant l’arrivée à fond d’un canot hors-bord
avec deux personnes à bord.
Parvenu en un instant bord sur bord, l’une des personnes - constatant
que je suis seul -, me propose de monter à bord pour m’aider (difficile
d’être à la barre et au moteur en même temps qu’aux les amarres par vent fort)…
Joignant le geste à la parole, une fois gravi le haut
franc-bord sans autre forme de procès, il se dirige immédiatement vers l’avant
pour s’emparer des amarres déjà prêtes.
PAX
se dirige contre le vent violent (20 noeuds) vers la toute dernière panne la
plus proche de la plage, plage que je longe non sans angoisse le regard sur
mon sondeur, en frôlant la bouée verte marquant l’étroit chenal…
PAX
apparaît en pleine vue de la masse indistinctes des buveurs de bocks de
bière blancs attablés au bar-restaurant qui leur est réservé… en première loge
pour se régaler de manœuvres ratées par le modeste skipper que je suis (nul n’imagine
la jouissance secrète éprouvée par des équipiers en voyant d’autres bateaux rater
leur manœuvre … au moins ils ne sont pas les seuls !)
Je vire sur la gauche au bout du chenal, vent de travers à
donf… pour découvrir que ma place est la dernière au départ de la panne, le
long de la jetée flottante centrale !
Frisson garanti - sans hélice d’étrave -, il faut virer à
gauche-toute au dernier moment pour entrer dans l’appontement en marche
avant par vent arrière… la pire des manœuvres !
Le point de non-retour est franchi -impossible de tergiverser
- quand faut y aller, faut y aller !
J’engage le virement le plus tard possible pour que la quille
et le safran de PAX ne s’empêtrent pas dans les aussières des bouées flottantes
retenant les immenses catas amarrés par l’arrière sur cette panne (je comprends
la question du tirant d’eau !)
Et là au bout de la course de PAX – fort heureusement ! -
une première personne se trouve sur la panne pour retenir l’étrave de PAX –
autant que faire se peut face l’inertie de 9 tonnes malgré la marche arrière !
–
Une fois PAX immobilisé, il se saisit de l’amarre disponible
au-dessus de l’étrave pour la fixer au quai.
Une seconde personne – également sur le quai - récupère l’amarre arrière-tribord
pour retenir PAX sur l’arrière.
Une troisième personne - dans le canot HB - sécurise PAX également sur l’arrière
en fixant l’amarre arrière-bâbord sur la bouée auquel est également
attaché le catamaran OUTREMER 45 voisin.
Et la dernière personne à bord après avoir lancé les amarres aux uns et
aux autres, propose de m’aider à mettre une garde supplémentaire
toujours pour prévenir la poussée du vent sur mon arrière.
Une fois tout sécurisé, nous nous congratulons les uns les
autres avec une joie non déguisée… et l’un d’entre eux – le plus jeune – m’accueille
avec un immense sourire avec ses mots maladroits appris en français : « bienvenue
à la MINDELO MARINA ! »
Toute cette manœuvre risquée s’est déroulée en moins de 5
minutes… PAX est en sûreté, ouf … chacun peut de nouveau vaquer à
ses affaires !
Après avoir mis un peu d’ordre dans mon vrac, je rejoins le
bureau d’enregistrement où je suis accueilli par une personne d’une
politesse exquise parlant parfaitement français (mais aussi anglais, et peut-être
allemand, sinon espagnol et italien, en plus du portugais naturellement !).
L’enregistrement se déroule très simplement en quelques
minutes - comprenant uniquement un simple formulaire très clair à
remplir par mes soins - outre les pièces requises habituellement (certificat d’enregistrement,
assurance et passeport).
Il me demande d’indiquer moi-même quelle est ma place
en me présentant un plan des pannes.
Je saisis le tout instantanément : PAX est amarré à
la place N°1, la première sur la panne centrale en arrivant … autrement dit
la dernière place disponible du port !
J’en ressens assez rapidement les motifs : la houle
traitresse qui met en branle continue tous les bateaux amarrés me jette – PAX
et PAX uniquement (n'exagérons rien !)– contre le quai de la panne tribord… malgré toutes les
combinaisons d’amarrage possibles !
Mais j’ai une place, là est l’essentiel quand il s’agit de se
préparer à une transatlantique dans l’unique port pris d’assaut par des
centaines de voiliers de toutes tailles et nationalités … même s’ils n’y repasseront
jamais.
COMMENTAIRES (libres)
Chacun est libre d’interpréter ce récit comme un BUSINESS
CASE paradigmatique des différences entre le non-management et le management
(je laisse le soin à chacun de décider ce qui relève de l’un et l’autre).
1.
Le boss ne décide de rien ; il veille à ce que chacun
applique ses principes de management. NB : normalement, un chef prend seul
toutes les décisions en ignorant les situations réelles opérationnelles
comme fonctionnelles, à tout moment et à toute heure, selon ses disponibilités
réelles compte tenu de ses multiples responsabilités (sinon, pourquoi un chef ?).
2.
Les
personnes en situation d’attribuer les appontements en FLUX TENDUS sont ceux
qui sont EN PERMANENCE sur les appontements en faisant le point en temps réels
des départs, des arrivées et donc des disponibilités. NB : normalement, des
procédures centralisées informatisées sont mises en place pour limiter le
recours à des employés nombreux et peu qualifiés - et donc incompétents -
toujours trop coûteux au regard des postes administratifs et hiérarchiques.
3.
Les personnes opérationnelles mobilisées sont très
nombreuses pour sécuriser les difficultés différentes appontement après
appontement, et ce à tous les endroits-clés toujours variables selon les
bateaux, les équipiers, l’emplacement, le vent. NB : chaque employé doit demeurer au poste qui lui
est affecté (par exemple une panne ou un poste
précis), sous la supervision permanente d’un ‘contremaître’
qualifié appliquant des procédures standardisées.
4.
L’enregistrement
est réalisé APRES l’appontement, sans que jamais les administratifs n’interviennent
dans un processus de décision d’affectation d’un poste d’amarrage dont ils n’ont
aucune maîtrise. NB : tous les processus opérationnels doivent faire l’objet
d’un contrôle préalable d’un correspondant administratif seul habilité à
faire l’interface entre le terrain et les systèmes d’information permettant d’optimiser
les procédures de gestion.
5.
Le
client indique lui-même le poste d’amarrage où son bateau est situé - puisqu’il
le sait mieux que quiconque par définition -, quitte à l’aider en lui montrant
le plan du port. NB : l’intervention du client sans aucun contrôle des
opérationnels, des fonctionnels et de la hiérarchie introduit un risque d’erreur
administrative préjudiciable à la qualité du système de management Qualité.
6. Le fait que les opérationnels engagés dans les actions d’amarrage en temps réel apparaissent comme fortement heureux de leur mission – jusqu’à personnaliser leur relation les jours suivants avec les personnes de passage - conforte les équipages multiculturels (blancs occidentaux souvent aisés) de l’engagement de la MARINA à tout faire pour les soutenir à un moment-clé de leur périple océanique. NB : la satisfaction des clients est un solde final négligeable compte tenu du fait que de toute façon, une fois parvenus à MINDELO, les voiliers n’ont pas le choix d’aucun autre port alternatif pour n'y jamais repasser.
QED / CQFD
(Quod Erat Demonstratum / Ce qu’il fallait démontrer)
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