CHRONIQUE 38
LE MARIN
1669
Chaque escale revient à consentir à une libre subjectivité
dépourvue de rigueur.
Lors de mes quêtes hasardeuses visant à préserver le bon état
de marche de PAX, mes pas s’égarent dans des lieux insolites, à quelques
encablures des voies rapides au long desquelles s’alignent centres commerciaux, multiples boutiques & restaurants divers.
Tout à coup se découvre d’autres espaces temporels à
l’écart des temps dits ‘actuels’, découvertes qui m’interpellent : pourquoi
évoquer de ce qui peut sembler désuet, plutôt que rendre compte des
contemporanéités les plus glorieuses ?
Au cœur du cul-de-sac LE MARIN, au détour de la N5 longeant le littoral, un panneau neuf renommé Victor SCHOELCHER me pousse à gravir une longue rue étroite en pente à sens unique.
Tout au long s’alignent de modestes maisons anciennes jusqu’à une large place circulaire offrant un magnifique panorama sur la rade.
La place Maréchal JOFFRE rassemble toutes les composantes de l’‘identité française’ telle qu’elle se manifeste au cœur des 36.000 communes de France : en son centre la statue d’un grand héros militaire engagé volontaire dans les guerres de 1870 et 1914, le monument aux morts 14-18, l’église du 18° siècle, le cimetière, l’hôtel de police style 1960 désaffecté, les bâtiments désuets des services techniques municipaux… et en contrebas, des toilettes publiques HOMME / FEMME d’une propreté irréprochable !
La raideur des rues cernant la place édifiée sur un morne la protège sans doute des rénovations urbaines malgré la vue imprenable… ainsi peut-être qu’une amnésie pour un espace ‘sacré’ menacé d’obsolescence par nos temps hypermodernes …
Le monument aux morts 14-18 en parfait état m’interpelle par l’interminable liste des personnes « Mort pour la France » dans une commune de cette taille, si éloignée des terrifiants champs de batailles de la Marne et Verdun, du Chemin des Dames et de la Somme…
Les belles plaques de marbre gravée sur les 4 faces s’efforcent de restituer les 4 moments de toute guerre - le départ, la bataille, la victoire, le retour - sauf celui dont on ne revient pas !
La magnifique Eglise SAINT ETIENNE de pur style jésuite a été édifiée par son prêtre capucin sur ses deniers en 1776 (Louis XVI étant roi depuis 1 an), au bénéfice d’une paroisse érigée en 1669 (sous Louis XIV), dans la continuité de la conquête de l’île par le flibustier Pierre Belain d’Esnambuc en 1635 avec le soutien politique et financier de Richelieu.
Adossé au chœur de l’église, le cimetière édifié sur la pente ouest du morne permet de découvrir les tombes ‘martiniquaises’ à dominante de couleur immaculée, construites hors-sol, souvent protégées par un toit de tôle à double pente... dont certaines magnifiquement fleuries.
De la large place descendent deux rues étroites et raides,
une autre continuant sa montée en suivant le panneau SOUS-PREFECTURE, LE
MARIN constituant une des 3 sous-préfecture du Département.
Ce lieu imprégné de souvenirs des passés de l’île dégage une impression d’éternité oubliée, perdu au milieu des lames furieuses des temps postmodernes visant à abolir tout temps... hors celui de l’instantanéité consumériste.
J’en ressors en même temps nourri et brisé...
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