CHRONIQUE 41
LOBE STERE
Il faut bien sacrifier aux rites culinaires locaux.
Telle était la tradition parmi les ethnologues scientifiquement
tenus de goûter les plats typiques des pays explorés, des termites en
salade fraîche aux portées de souris vivantes, en passant par l’iguane farci et
le pot au feu d’hippopotame.
Bien heureusement, la langouste relève du plat-typique
de l’arc antillais – surtout pour les touristes navigateurs prenant leur bouée soutenus
par l’aide intéressée des boat boys, sinon tentant de trouver par
leurs propres moyens où jeter leur ancre… sans pour autant échapper à leurs sollicitations.
Tel est mon cas en mouillant dans l’anse de CHARLESTON BAY
de l’île de CANOUAN.
Le mouillage est vaste et de bonne tenue sans que les bouées prennent un espace indu ; j’indique donc par geste au boat boy qui m’accueille dans sa barque HB multicolore que je choisis de mouiller mon ancre : no problem, il comprend et n’insiste pas.
Une fois la manœuvre accomplie, il s’approche en tentant d’engager
la conversation – je navigue en solo -, avant de prononcer le mot « LOBSTER »,
seul mot surnageant d’un jargon mutuellement incompréhensible.
How much ? Ne comprenant pas sa réponse, je lui fais écrire le
chiffre en US$ sur un papier, n’ayant pas acquis d’EC$ locaux ($ Caraïbes)
… la somme me paraît une bonne affaire compte tenu des prix évoqués sur les
sites par les uns et les autres.
Je lui fait comprendre que je ne dispose pas de quoi la faire
cuire… no problem, in one and half
hour… affaire conclue, je vais sacrifier au rite langoustier !
Une heure et demie plus tard, voilà la langouste dans un grand seau plastique ayant contenu des détergents ménagers qui débarque ébouillantée à souhait…
Malentendu au moment de payer, le boat boy
me demande 3 fois la somme écrite au stylo (je n’ai pas dû comprendre l’unité
de mesure utilisée : Y US$ / X ?). Je refuse, prêt à lui rendre son
seau et la langouste avec ; nous compromettons à 2 fois la somme… chacun
doit retomber sur le prix du marché !
Il me pose malgré toute la question de savoir si j’ai de quoi
la découper en mimant une longue lame de couteau… je pense avoir ce qu’il faut
en termes d’instruments chirurgicaux.
A vrai dire, il aurait fallu plutôt une tronçonneuse ou une
scie sauteuse… heureusement, j’oublie qu’une langouste bien présentée est
découpée par moitié longitudinalement (j'ignore comment on y parvient ?)… et par chance, je suis seul à la
déguster.
Le temps d’envoyer gicler quelques jus maronâtres sur mon short tout neuf au moment de scinder la tête du corps ; de risquer de me couper plusieurs doigts en tentant de trouver les points faibles de son armure ventrale avec la pointe du couteau à pain ; de finir par dégager le muscle blanc qui constitue la part comestible congrue de l’encombrant crustacé….
La planche à découper ressemble à un champ de bataille jonché de débris épars…
tout ça pour ça, va falloir que ça ait du goût le rite culinaire local !
Pour me récompenser de ces épreuves, je m’organise un petit cérémonial gastronomique (une fois n'est pas coutume !) en dégotant au fin fond d'un coffre un blanc Coteau du Layon - qui caresse agréablement mes papilles de son fruité généreux - le tout accompagné d’un riz oignons/ail/curry de la veille.
Reste la sauce à trouver : inutile de risquer une
mayonnaise ou tout autre recette inconnue, de la moutarde à l’ancienne relèvera
le goût (honte à mon âme culinaire !).
Mais auparavant, comment me débarrasser des encombrants – et odorants – restes ?
A cet instant me revient en mémoire une évidence : une
langouste, c’est juste homard tropical sans pince… mais du coup, y a-t-il quelque chose à déguster dans les antennes et les pattes ?
J’y parviens non sans mal grâce à une pince casse-noix retrouvée par miracle…
Avant de déguster le tout – mais pas tout ! – avec le
sentiment du rite langoustier accompli.
La valeur du rite culinaire réside dans l’accomplissement du
rite ; pourquoi le chercher ailleurs ?
En mémoire du rite, est édifiée à CANOUAN une LOBE STERE.
P.S. : le restes de la ci-devant langouste seront immergés en pleine mer au fond des flots pour rendre aux langoustes ce qui appartient aux langoustes...
Alors là, tu nous raconte toute une histoire sans nous dire si la languste était bonne... M...!
RépondreSupprimer🤣 j’espère que la langouste a eu droit à se faire recouvrir de son pavillon national avant de basculer de sa planche vers les abîmes !
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