CHRONIQUE 42
CURACAO VARUM?
CURACAO est pour moi un but de voyage en soi compte tenu de mon syndrome
VHIHI chronique … toujours susceptible de virer à l’aigu en situation de
saturation historique !
Tel est le cas à CURACAO dont la longue histoire s’étend
sur plus de 500 ans après sa découverte par Alonso de Ojeda en 1499 au nom de l’Espagne, puis sa prise de
possession par la République des Provinces Unies en 1634.
Cette attirance pour CURACAO s’enracine dans ma
passion pour l’Histoire économique – en particulier des Grandes Découvertes
- dont cette île des Antilles néerlandaises est un concentré pur et parfait.
CURACAO permet de s’interroger sur la valeur des théories formulées par mes
maîtres à penser concernant les moteurs du capitalisme…
sujet je le reconnais pour le moins décalé dans un blog consacré à des découvertes
exotiques.
Cependant, cette chronique ayant déjà été écrite et mon blog étant
plutôt peu nourri ces temps-ci pour cause de disette STARLINK, je m’autorise à poursuivre
sur ce sujet en laissant chacun libre de s’y pencher ou non selon ses centres
d’intérêt.
Petit résumé liminaire typique de l’éternel prof passionné
par le savoir sur les théories susceptibles d’expliquer la dynamique du
capitalisme …
Werner SOMBART pense que
les juifs sont à l’origine du capitalisme grâce à leur maîtrise de ses
mécanismes financiers : autrement dit les
activités bancaires consistant à attirer l’argent dormant faiblement rémunéré
contre promesse de sécurité pour le prêter moyennant un intérêt élevé
rémunérant les risques pris à ceux qui l’investissent. La maîtrise du commerce
de l’argent avec intérêt s’appuie sur une diaspora étendue capable de mettre en
relation l’offre et la demande de capitaux (outre les marchandises).
Max WEBER estime que
« le capitalisme de diaspora » a toujours existé et existera toujours
(toutes les diasporas n’étant pas capitalistes, loin de là. Ex : les
français) !) : les phéniciens, les grecs, les vénitiens, les génois,
les florentins, les marchands arabes, les arméniens, les libanais, les chinois
(le réseau de bambou), les indiens…
Ces capitalismes de diaspora
n’expliquent pas la mutation historique par laquelle une nouvelle
civilisation purement capitaliste globalisée a pris la place des
précédentes à partir des Grandes découvertes.
Cette révolution capitaliste globalisée
s’enracine dans un changement de valeurs collectives inspirées par le
calvinisme dans des pays tels que les Pays Bas, l’Angleterre, l’Ecosse, la
Suisse, les Etats Unis… les autres pays étant obligés de s’acculturer à cet
« esprit du capitalisme » – plus ou moins profondément et
efficacement - sous peine de disparaître.
Joseph Aloïs SCHUMPETER met
en valeur le rôle des « entrepreneurs risk-taker » capable
de changer les règles du jeu économique en mobilisant les 5 leviers de l’innovation :
les nouvelles technologies, les nouveaux produits et services, les nouveaux
process de production, les nouveaux marchés d’offre et de demande, les
nouvelles méthodes managériales. Ce sont ces innovations en grappe qui
détermine les cycles économiques à long terme … et les changements de zones
économiques qui en bénéficient ou non.
Fernand BRAUDEL - fidèle à
Marx tout en ne cessant de débattre avec Sombart, Weber et Schumpeter… – tend à
penser que les valeurs (les superstructures) servent à justifier la réalité des
rapports de domination économique (les infrastructures).
Il met en avant pour décrire le
développement du capitalisme 3 strates complémentaires et antagonistes :
la strate du grand capitalisme globalisé au sein d’ « économies-monde »
regroupant les grands acteurs financiers et investisseurs mondialisés ; la
strate de l’économie concurrentielle à un niveau géographique plus
réduit disparaissant ou apparaissant au gré des fluctuations économiques de
la première strate ; la strate de l’économie informelle dont
l’importance croît ou décroît au gré des fluctuations précédentes (et des
cultures). Il serait possible d’y ajouter l’infra-économie de subsistance
hors marché.
SCHUMPETER et BRAUDEL en
particulier ont tous deux mis l’accent sur l’importance des cycles
économiques séculaires pour expliquer l’ajustement cumulé – souvent long et
aléatoire - des facteurs favorables, leur croissance globale exponentielle,
puis leur maturité difficile et enfin leur déclin plus ou moins rapide et
violent.
CURACAO - à travers ses 500 ans d’histoire offre une illustration
grandeur nature validant toutes ces théories… en y ajoutant les effets liés
à la politique des grandes puissances luttant pour leur hégémonie
impérialiste planétaire (Espagne, Pays Bas, Angleterre, France, Etats Unis…).
Cette richesse historique est illustrée à CURACAO par le
nombre et la qualité des MUSEES, nombre et qualité sans commune mesure avec
la taille et l’éloignement de ce bout de terre perdu face au Venezuela actuel… musées dont on serait bien en peine de
trouver l’équivalent dans les anciens ports ‘coloniaux’ en France - Bordeaux,
Nantes, Lorient, Marseille…- sinon dans
nos îles caraïbes (Martinique, Guadeloupe…).
Parmi ces multiples musées, j’ai eu l’opportunité d’en
visiter trois illustrant à leur manière les théories économiques résumées sommairement
ci-dessus :
· Le JEWISH CULTURAL HISTORICAL MUSEUM est mitoyen de la SYNAGOGUE MIKVE ISRAËL EMANUEL
– « the oldest synagogue in continuous use in the Americas » -
la SNOA construite en 1732 sur le modèle de la Grande synagogue
d’Amsterdam. Cet ensemble illustre le rôle éminent de la communauté juive
sépharade expulsée d’Espagne (1492) et du Portugal (153 ?) dont la part réfugiée
à Amsterdam – surnommée la Nouvelle Jérusalem – a contribué au
développement économique du Nouveau Monde, à la fois en tant que financier,
commerçant et entrepreneur.
· Le CURACAO MARITIME HISTORY MUSEUM illustre l’identité maritime des Néerlandais depuis 5
siècles au moins. De la taille de 5 départements français – dont 2/3 du
territoire poldérisé se trouve au-dessous du niveau de la mer -, les Néerlandais
vivent par, pour et de la mer sous toutes ses formes, surtout navale et
portuaire. Quel peuple peut se passionner pour les paquebots, les cargos et
pétroliers de tous types, les équipements portuaires, les raffineries sur
l’eau ??? Un immense réseau d’échanges mondialisés est au cœur de la
richesse néerlandaise, avec ROTTERDAM parmi les premiers ports mondiaux
qui valide l’évidence que la richesse naît des réseaux d’échange, et non
de la surface des territoires ou leur population.
·
Le KURA HULANDA MUSEUM – mieux vaudrait dire « le village KURA HULANDA »
illustre la capacité d’individus privés à interroger leur propre histoire en
créant ex-nihilo un espace exceptionnel dédié à l’histoire de l’esclavage,
une des premières sources de richesse de CURACAO au 17° siècle. Par sa
scénographie et ses pièces africaines magnifiques, cet espace interroge
toutes les dimensions de l’échange dans son acception humaine comme économique.
Un autre musée illustre les capacités
entrepreneuriales de dynasties familiales – en l’occurrence sépharade - tel le MONGUI
MADURO MUSEUM & LIBRARY fondé et dédié à une des plus puissantes
familles de CURACAO sur plusieurs siècles.
Notons cependant que je n'ai pas trouvé trace d'un souvenir mémoriel sur le CACAO, dont CURACAO est cependant à l'origine de la production, du traitement et de la consommation de masse (en modifiant sa recette indienne), en particulier grâce à une famille juive sépharade expulsée de MARTINIQUE au 18° siècle.
Bien entendu, « A Small Island with a Big History”
ne prend que 3 pages "CULTURE" sur les 160 pages du CURACAO GUIDE (gratuit) mettant
en avant en 1° de couverture un couple blanc, jeune, beau et riche sur fond
d’eau turquoise… (bref tout le monde !)
Une autre « globalisation » chasse les précédentes, fondée sur
un nouvel ELDORADO, alors que les modes furieuses de l’or & l’argent,
sucre, indigo, cacao, café, paquebots de luxe, bijoux, alcool, pétrole (et de biens & services moins licites !)…
sont à la portée de tous et toutes dans les pays ‘riches’ :
La quête insatiable de l’éternelle
jeunesse
tissée de jouissances infinies toujours
renouvelées
(le tourisme de masse et ses proliférants
dérivés)
🤣👍👍
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