CHRONIQUE 46 A LA RECHERCHE DU CONTINENT PERDU ?

En 1513, BALBOA - pénétrant dans les flots en brandissant son épée haute levée - prend possession au nom du Roi d’Espagne de ce qu’il désigne sous le terme des MERS DU SUD ou Océan austral.

Le 21 octobre 1520, MAGELLAN – tirant le fil des implications de cette découverte - sort après des efforts surhumains du canal qui porte son nom et, franchissant le cap des Onze-Mille-Vierges entre dans une mer qu’il qualifie de « pacifique »…

Il met 3 mois et 20 jours à traverser cet inouï désert marin… sans avoir pris la précaution de s’approvisionner en eau et vivres préalablement, tant il croyait (ou faisait semblant de croire) que peu de distance séparait l’ouest des Amériques des Moluques, l’île au poivre disputée avec le Portugal à l’antiméridien tracé par le Traité de Tordesillas (1493).

Bien entendu, le PACIFIQUE n’est pas plus ‘pacifique’ que les autres océans (plutôt moins), et ses immenses espaces ne couvrent pas uniquement les MERS DU SUD (très loin de là) …

Par contre, la distance entre les pays qui le bordent de rives à rives est la plus étendue qui soit de tous les océans et mers connues, faisant de cette masse liquide le plus grand océan terrestre... à l'immense surprise de ses découvreurs !

Il faudra environ 4 siècles de sang, sueur et larmes pour en saisir les immensités, des côtes ouest des Indes occidentales (Acapulco) aux côtes Est des Indes orientales (Chine / Canton, Macao…).

Et plus encore du Nord au Sud : de la Tasmanie – sinon du cercle polaire antarctique jusqu’au sud du Cap Horn – au détroit de Behring séparant l’Alaska, les îles Aléoutiennes et le Kamtchatka. 

Toute découverte élargit à l’infini le cercle insoupçonné de nos ignorances humaines : si l’inédit absolu se découvre tout à coup à nos yeux incrédules, comment en découvrir les limites par nature illimitées ?

3000 milles sans aucune terre... 
et le plus court chemin orthodromique (GARMIN) n'est pas une droite loxodromique (NAVIONICS)

Plusieurs mythes vont soutenir les explorations de ce nouvel inconnu… donnant naissance à de nouveaux mythes qui durent encore !

Or, autant le  reconnaître sans fard, l’exploration du Pacifique est le produit de l'échec d'un mythe aujourd'hui oublié : l’impossible découverte du CONTINENT AUSTRAL … !

Sans la certitude a priori qu’il existait un continent austral reliant entre eux les continents américains et asiatiques, les voyages d’exploration – en particulier ceux entrepris par le COOK (1768/1771, 1752/1775, 1776/1779) - n’auraient pas été entrepris avec une telle intensité dans la 2° moitié du 18° siècle.

L’idée selon laquelle la terre devait être « équilibrée » au Sud par un continent équivalent au continent eurasiatique au Nord a permis de découvrir ‘sans faire exprès’ - et malheureusement à l'époque-, que le Pacifique est l’océan tout à la fois le plus immense … et le plus désert qui soit sur le globe !

Sans doute, si l’inexistence du continent austral avait été connu auparavant, le Pacifique serait demeuré inexploré … peut-être jusqu’à ce jour ?

Imaginons la rage décuplée des explorateurs chèrement missionnés par leurs Royaux Souverains risquant le tout pour le tout pour découvrir le néant abyssal des lames et des tempêtes, en lieu et place de l’immense continent habitable décrit par les géographes de cabinet !

Dont DARYMPLE en personne, le plus puissant d’entre tous, l'hydrographe de l’Amirauté britannique - , soutenu par toute la communauté scientifique européenne, au-delà de l'héritage et la caution des géographes de l'Antiquité !

Un sillage comme PAX les aime !

La découverte de la moindre ombre de falaise sur lesquelles  se fracassent des lames rugissantes entrevue entre les grains d’une violente tempête d’ouest sur une coque ballotée comme fétu de paille par les immenses houles des 50° hurlants relancent les spéculations improbables : s’il s’agissait – enfin ! - d’un cap du mystérieux continent austral ?

Et de tenter de le situer le moins imprécisément possible grâce au calcul de longitude rendu possible par l'exactitude du chronomètre de Harrison… souvent en vain : combien de navigateurs échoueront à retrouver ces indices de terres perdues compte tenu de l’inexactitude criante de leur position estimée en termes de longitude… sinon de leur latitude lorsque le soleil ne daigne pas se montrer au midi juste du lieu ?

Dès lors, comment élargir l’infime côte entrevue - par d’autres ou par soi – à partir d’un mince trait sur une carte vierge … que les autorités constituées ont déjà préremplies de terre fertiles et avenantes qui n'apparaissent jamais?

Si les éléments naturels – mer, vents, marées, courants, fonds, reliefs, heures… - s’y prêtent au regard de l’immense fragilité d’une fragile coque de bois mue exclusivement par de lourds agrès & voiles, où s’entasse pêlemêle une centaine de personnes dans un espace de 30m de long, 6m de large et 5m de tirant d’eau, emportant pour 2 ans ½ de vivres et de pièces de rechange ?

Jeu de voiles très PAX-alizés SE PACIFIQUE...

Comment chaque CAPTAIN - seul maître à bord après Dieu - estime heure par heure, minute par minute, seconde par seconde, la balance Bénéfices / Risques face à chacun de ces inconnus… sachant que les risques sont certains – la disparition corps et biens – et les bénéfices plus qu’aléatoires…

Or l’essentiel est quoiqu’il en coûte de revenir à leur point de départ pour se trouver confrontés à un dialogue de sourds :

  • DARYMPLE (empli de morgue) : « Alors, à quoi ressemble le Continent austral ? »
  • CAPTAIN COOK (avec une irritation contenue) : « Conformément aux instructions de Sa Majesté, nous avons parcourus les mers entre les latitudes x & y et les longitudes z & w sans trouver trace d’une quelconque terre susceptible d’apparaître comme un continent austral… »
  • DARYMPLE (explosant de colère) : « ceci ne peut être, nous le savons de science certaine ; soit vous avez mal cherché, soit vous avez mal vu ! »

Il faudra entreprendre moult voyages d’exploration hors de toutes limites connues pour détruire ce déni des réalités empiriques en réduisant tous les continents et océans connus à leur portion congrue au regard de l’immense désert PACIFIQUE.

Dans ces errances en quête de vide, parfois, les cieux permettent de suivre point par point une côte, d’en dresser en direct les contours plus ou moins fidèles, sans laisser l’imagination vagabonder … sinon celle de l’attribution de noms significatifs, flattant Grands de ce monde et gratifiant les fidèles membres d’équipage !

Et quand les dieux sont avec ces explorateurs du néant, de découvrir par pur bonheur quelque havre bienveillant où restaurer les navires et équipages épuisés par 120 jours de mer… enfin réparer toutes les avaries du navire éreinté par toutes ses coutures… et pour les équipages s’abreuver d’eau douce à foison, en dégustant tous vivres frais connus et inconnus : fruits & légumes, viandes & poissons…

Si d’heureux hasards s’en mêlent, l’explorateur osera faire le tour complet des terres découvertes, démontrant une bonne fois pour toutes qu’il s’agit bien d’une ILE (ou de plusieurs !) et non d’un bout du CONTINENT AUSTRAL !

Pus y'a de voiles pu y'a de sillage

COOK
 éprouvera ce pur bonheur en ‘inventant’ la Nouvelle-Zélande dans son intégralité géographique, où il retrouvera fidèlement son havre protecteur du canal de la Reine Charlotte lors de chacun de ses 3 voyages.

Mais il faudra de multiples explorateurs pour attester que l’AUSTRALIE est dans son entier une ILE-CONTINENT, elle-même séparée de la TASMANIE par le détroit de BASS… TASMANIE elle-même ILE et non pointe avancée de l’insaisissable CONTINENT AUSTRAL.

COOK pourra ainsi affirmer – non sans orgueil mérité – qu’il a définitivement fait la preuve en 3 voyages de 3 ans et plus étalés sur 11 ans de l’inexistence du continent austral… sinon sous des latitudes où toute vie ne présente aucun intérêt … et ce en descendant avec les moyens des temps jusque sous le cercle polaire antarctique (71° sud).

L'inexistence du continent austral contribue à détruire le préjugé d'un espace géographique harmonieux de toute éternité, équilibrant intellectuellement les formes et les masses comme dans un jardin à la française ou un jardin anglais.

Sont alors engloutis unis dans le même destin fatal le mythe du CONTINENT AUSTRAL et celui de l’Honnête Homme qui n'avait d'honnête que ses préjugés sur le perfection naturelle de toutes choses au nom du Progrès infini.

Havre de la Baie aux Vierges...


Le beau XVIII° siècle 
avait commencé l’esprit empli des rêves d’infinie puissance humaine ; il sombre corps et biens en perdant ses illusions – géographiques, politiques, spirituelles et sociales - dans des guerres du tous contre tous (guerre de 7 ans, guerre d’indépendance américaine, guerres pour la  survie de la Révolution et de l’Empire…).

Mais n’est-il pas dans les conventions humaines que toute exploration se justifie – surtout aux yeux des opinions publiques ignorantes – par quelque Eldorado mis à la portée des aventuriers en charentaises ?

Cependant, l’effondrement de ce mythe involontairement  ‘productif’ a donné naissance à un mythe toujours vivace : le mythe des MERS DU SUD.

 


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