CHRONIQUE 49 PAE & MARAE

PAX navigue au pays des PAE PAE, dénommés MAE MAE dans les îles de la Société, la langue polynésienne autorise des variations selon les archipels… et même au sein d’un même archipel !

Les PAE PAE peuvent s’intégrer dans des ensembles cultuels – plus ou moins étendus et structurés – les MARAE - où des tribus (ou assemblées de tribus ou clans) se rassemblaient pour célébrer leurs cultes communs.

Tohua TEMEHEA restauré en front de mer dans la baie de TAIOHAE (NUKU-HUVA)

Comme au sein de nos civilisations, ces lieux sacrés manifestaient le mana des pouvoirs dirigeants sur leurs sujets :

·      .  légitimation des rois & reines et de leur famille élargie (naissance, accession à la majorité, mariage, naissance, mort…) ;

·    . exercice des pouvoirs souverains (couronnement, lit de justice, déclaration de guerre, manifestations des victoires…) ;

·       . célébration des rites religieux par la caste sacerdotale et ses acolytes (prêtres, chantres, musiciens…) ;

·       et plus  généralement, affirmation de leur identité en s’assurant l’appui des esprits invisibles contre les ennemis héréditaires des vallées – sinon îles - voisines…

CAPTAIN CAP décèle des PAE PAE un peu partout lors de ses pérégrinations terrestres : au cœur des villages - souvent tout proche de son église -, dans les jardins près des habitations, le long des sentiers ou perdus dans la jungle…

Certains MARAE plus ou moins restaurés permettent d’imaginer l’ampleur et la complexité de ce qui est initialement une ou plusieurs plateformes surélevées soutenues et pavées avec des galets de lave de taille conséquente, initialement recouverte d'un toit supporté par des poteaux sculptés.

                                       

Un exemple de plateforme recouverte d'un toit traditionnel (TAIOHAHE/NUKU HUVA)

Le Centre cérémoniel d’UPEKE au sud-ouest de l’île d’HIVA OA montre par la complexité de son architecture la puissance des hiérarchies marquisiennes sur leurs sujets : organisation des espaces par fonctions (royale, religieuse, diplomatique…) avec des accès sélectifs selon les statuts sociaux : rois & reines, famille nobles & courtisans (hakaiki), puissances invitées, prêtres (tauà), artistes & conteurs (tuhuna), guerriers selon leurs grades, femmes selon leur rang…  

On imagine sans peine la puissance des hiérarchies sociales capables de capter les ressources humaines (les corvées) et matérielles (les prélèvements) de multiples serfs (kikino) pour affirmer leur pouvoir sur eux … en le justifiant contre d’autres.

Et ce sur des îles où – bien que tout semble pousser à foison mais quasi-exclusivement dans quelques vallées encaissées donnant sur l’océan Pacifique – les ressources demeurent limitées au sein d’économies autarciques.

Sachant que les échanges potentiels entre les îles portant en priorité sur des biens de luxe confortant le statut des dominants par le gaspillage en dépenses ostentatoires permettant de justifier l’ampleur des ressources captées.

                                  

Plateforme centrale du Centre cérémoniel d'UPEKE (HIVA-OA)

Dans ce contexte de rareté des ressources, les lois de Malthus trouvent leur confirmation : lorsque les besoins perçus par les classes supérieures excèdent ses propres capacités de capter les richesses sur la production existante, elles  ont recours  pour ‘équilibrer’ leurs ‘demandes’ avec les ‘offres’ actuelles et/ou potentielles à quelques procédés classiques...

Parmi ces multiples modalités de régulation démographique, on trouve parmi d’autres : l'exploration et la conquête de nouveaux territoires vierges (l'histoire de la Polynésie !), la guerre extérieure (ouverte ou masquée)  pour la captation des ressources étrangères ; les guerre intestines pour exclure du partage des ressources les classes désignées comme 'dangereuses' ou 'nuisibles' ; la régulation des naissances par sélection eugénique des plus puissants et les avortement / infanticide / stérilisation des classes basses ; et last but not least les épidémies et famines différenciées selon les statut des sujets.

CAPTAIN CAP a l’intuition que les PAE & MARAE marquisiens - par leur puissance et leur multiplicité - ne répondent pas au bel idéal rousseauiste des sociétés égalitaires rêvées par les hommes des Lumières au sein desquelles des hommes libres et égaux - en droit et en fait - s’engagent par un Contrat social à obéir à la Loi commune, expression parfaite de la Volonté générale conforme à la NATURE.

                                   

PAE-PAE  recouvert par la végétation (Vallée royale, HAKAUI / NUKU-HIVA)

Après avoir tout pratiqué aux Marquises, c’est sans doute l’écroulement des capacités des autorités ‘traditionnelles’ à ‘protéger’ leurs rentes de captation face à la canonnière de DU PETIT THOUARS (1842) qui explique – et justifie – la désaffection des PAE & MARAE comme lieux de mémoire dans l’inconscient (et le conscient) collectif marquisien.

A partir de leur découverte, ce sont les épidémies provoquées par les virus transmis par les découvreurs qui deviendront la cause première de la disparition des marquisiens, tout comme aux Amériques du Sud & Nord précédemment, lot commun des populations ‘isolées’…

L’épidémie de grippe de 1845 provoque la disparition quasi-immédiate de 50% de la population marquisienne. Le désespoir d’être réduit à devenir de simples ‘fidèles & citoyens français’ soumis aux lois de l’Eglise & de la République fait le reste…

Avant leur découverte par les explorateurs du XVIII° siècle, la population marquisienne est estimée à 200.000 habitants ; elle chute jusqu’à à un peu plus de 2.000 personnes à la fin du XIX° siècle, avant de remonter à un environ de 10.000 personnes aujourd’hui.

CAPTAIN  CAP ne peut s’interdire de s’interroger : qui pourraient être les néo-marquisiens contemporains ?

                                                  

Une des multiples plateformes structurant le Centre cérémoniel d'UPEKE (HIVA-OA)

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