CHRONIQUE 52 MARQUIZTALGIE / ATOLLITUDE

PAX est mouillé depuis ce samedi 17 mai 8h devant le village de ROTOAVA sur l’atoll de FAKARAVA qui appartient au groupe des îles PALLISER de l’archipel des TUAMOTOU.

La traversée de 120 milles depuis l’atoll d’AHE s’est déroulée pour le mieux grâce à un vent et une houle d’EST modérés qui ont permis une remontée au près bon plein tout dessus sur un seul bord de passe à passe en 20h (6 nœuds de moyenne).

Le tout dans « la zone à éviter » (SHOM 7371) en se glissant de nuit à bonne distance entre les atolls d’APATAKI et ARATIKA, puis TOAU et KAUEI. 

PAX au mouillage de RANGIROA sur l'atoll de FAKARAVA

CAPTAIN CAP présente ses excuses aux personnes qu’il a informé que sa prochaine destination après AHE serait RANGIROA… alors que PAX se retrouve à FAKARAVA

« Souvent CAPTAIN CAP varie, bien fol qui s’y fie ! »

CAPTAIN CAP a été atteint par une crise d’ATOLLITUDE aggravée par une affection maligne de MARQUIZTALGIE.

Comment expliquer ces crises imprévisibles du   voyageur au long cours, sinon en rappelant cette évidence aveuglante trop négligée :

Chacun porte en lui des ‘espaces-de-vie-idéaux’ inconnus de lui-même ;

il suffit qu’il les rencontre pour immédiatement s’exclamer ;

‘This is the right place!’ 

Et inversement…

 

MARQUIZTALGIE…

Les MARQUISES - perçues par CAPTAIN CAP – apparaissent comme un espace de vie où fusionnent harmonieusement ses trois composantes-clés : un territoire, un peuple, une histoire.

Le territoire est ce qui apparaît en première perception.

De hautes îles volcaniques au relief tourmenté surgissant d’abysses à pic, entrecoupées d’étroites vallées parcourues de cours d’eau qui se jettent dans quelques baies rocheuses ouvertes aux grandes houles.

Les polynésiens ayant colonisés ces environnements inconnus il y a peu se sont adaptés à ce territoire en développant des cultures de jardin (production intensive sur de petites surfaces) utilisant le climat tropical humide et l’eau en abondance pour faire pousser de multiples fruits & tubercules et fleurs toute l’année (arbre à pain, pamplemousse, avocat, mangue, bananes-plantain et dessert, goyave, igname, taro, tiaré…)

Les protéines carnées proviennent des chèvres, cochons, poulets, vaches vivant plus ou moins en liberté dans les montagnes et forêts; les protéines piscicoles de la pêche non-intensive de complément le long des falaises.

Sachant que tous les matériaux provenaient de l’exploitation des ressources naturelles à portée de main : fleurs pour tout (tiaré), écorces pour les tissus (tapas), palmes pour les parois et toits, bois pour la construction, tous matériaux pour les arts (bois, pierres, os…).

Les monts volcaniques marquisiens de la baie d'ANAHO sur l'iles de NUKU HIVA

Le peuple marquisien est à l’image de son territoire.

Il vit en communauté resserrée au sein de villages isolés au bout des vallées cultivables, essentiellement terrien plus que marin ; les pirogues à balancier doivent être tirées des rivages de galets noirs battus par les grandes houles, malgré l’édification de précaires quais de protection.

PAX par sa découverte des quelques mouillages offerts par quelques baies marquisiennes le confirme : les MARQUISES ne sont pas des mers à bateaux !

Le territoire détermine pourquoi les personnes pratiquent un accueil ouvert exceptionnel, sans doute parce que personne ne peut s’extraire de la communauté du village en vivant isolément…

Sachant que la communauté villageoise vit elle-même de manière isolée des autres vallées. Rien n’est plus difficile que de passer d’une vallée à l’autre par de rares cols escarpés.

Néo-TIKI de NUKU HIVA

Par le coup, l’histoire marque profondément de son empreinte chacune des vallées.

A chacune correspondait une tribu avec des institutions fortement structurées : rois & reines, noblesses, prêtres, bardes et artisans, guerriers, serfs les plus nombreux…

Institutions liées à une surpopulation endémique compte tenu des multiples ressources alimentaires disponibles et créées ; d’où des guerres continues entre vallées allant jusqu’à l’extermination et/ou l’exil forcé pour conquérir un espace vital supplémentaire (d’autant plus en période de famine provoquée par une sécheresse ou autre).

Mais le tout appartenait à une aire culturelle commune qu’on retrouve à travers l’extraordinaire abondance des vestiges archéologiques propres à chaque vallée et partagés entre vallées :  multiples Tikis, Pae-Pae, Marae, Tau… et des pratiques corporelles communes (tatouages, armes, bijoux…).

Autrement dit, vous êtes aux MARQUISES et nulle part ailleurs !

 

RIEN DE PLUS OPPOSE QU’UN ATOLL !

Un atoll n’a pas de territoire : c’est un espace salé – le lagon - entouré par le précaire cordon d’un récif corallien.

Il apparaît comme une mer fermée entourée sur son pourtour d’ilots sablonneux au ras des flots – les MOTUS – dos au récif coralien au bord de la frange étroite du platier battu par les grandes houles.

Chacun vit focalisé sur le lagon comme une immense océan intérieure avec ses récifs invisibles et ses traîtres courants de marée, un espace où on ne décèle pas ou à peine les limites à l’horizon, donc les autres traces de vie. NB : RANGIROA mesure 80km de long et 30 km de large !

Juste à peine perceptible, quelques touffes de cocotiers résistant aux coups de rabot des vents, et perdus dans ces bosquets, quelques habitations à peine visibles - les FARE de toutes conditions – des plus précaires cagnas aux plus incongrus palaces…

Mouillage de l'atoll d'AHE

Chacun survit chez lui, princes imaginaires de minuscules royaumes séparés des hommes et du monde, à la merci des grandes marées et des vents tumultueux s’engouffrant dans les infinies passes à fleur d’eau isolant les motus les uns des autres

Chacun l’aura deviné, rien ne pousse sur ces cordons littoraux, au sol de rugueux débris de coraux tranchants, sans humus ni profondeur pour retenir une eau douce précieuse comme l’or.

Pour seules ressources, on trouve les poissons – lorsqu’ils ne sont pas contaminés par la ciguatera -, les cocotiers, les rares fermes perlières qui restent… et le tourisme de masse de la plongée dans quelques passes à requins (RANGIROA & FAKARAVA).

Comment ces espaces vides de terre, donc d’hommes et de ressources pourraient-ils produire une histoire - ni hier, aujourd’hui ou demain -, sinon celui de la survie en conditions naturelles extrêmes ? D’où l’absence – à ma connaissance – de quelconques vestiges archéologiques.

S’il y a une harmonie atollienne, c’est celle des espaces illimités – océan à perte de vue, lagon aux imperceptibles frontières, ciels changeants, vents continus … - où l’homme lutte pour persévérer dans un être sans objet que sa propre existence à ras des flots tumultueux.

Un ATOLL,

 le contraire absolu des MARQUISES !

 

CAPTAIN CAP parvenu à l’atoll d’AHE a subitement souffert d’une crise d’ATOLLITUDE, aggravée par sa MARQUIZTALGIE.

Par contrecoup, il imaginait après AHE suivi de RANGIROA rejoindre plus rapidement les cieux plus cléments des îles de la Société… jusqu’à ce que le partage WhatsApp de quelques impressions vécues avec son consultant maritime distanciel OMa l’incite à donner une 2° chance aux atolls.

Idéalement, le parcours deviendrait AHE + FAKARAVA + RANGIROA… (très standard au regard des pratiques voilières communes… et tel que prévu initialement 😊.

Moyennant une accoutumance atollienne minimale… dont la facilité à trouver des mouillages non-encombrés de boomies de corail n’est pas des moindres challenges.

L'inusable kayak GUMOTEX retour de ROTOAVA




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