CHRONIQUE 53 Dr MOITESSIER & Mr BERNARD

De R.L STEVENSON – amoureux des MARQUISES - à Bernard MOITESSIER – passionné des TUAMOTU, il n’y a qu’un bord à tirer.

CAPTAIN CAP prend ce bord en projetant sur BM, le titre – et le mythe – d’un des plus célèbres livres de RLS : (le bon) Docteur JEKYLL et (le mauvais) Mister HYDE.

PAX mouille lundi 13 mai devant le village de TENUKUPARA au sud de l’atoll de AHE.

PAX devant TENUKUPARA sur l'atoll d'AHE

Pourquoi CAPTAIN CAP a-t-il choisi AHE comme escale aux TUAMOTU ?

En termes de navigation, l’atoll de AHE est situé sur la route ‘presque’ directe entre l’ile de NUKU HIVA et TAHITI ; c’est un atoll peu connu par contraste avec le prochain atoll prévu RANGIROA ; l’atoll de AHE permet au couple CAPTAIN CAP & PAX de faire leurs premières armes dans les atolls coralliens avec un risque contrôlé (passe accessible sous le vent, lagon navigable et balisé, peu de trafic…) ; l’atoll de AHE permet de ne pas pénétrer sans expérience dans l’immense « zone à éviter » définie sur la carte SHOM7371 comprenant les grands atolls des îles PALLISER.

L’autre raison – sans savoir laquelle est déterminante – est que Bernard MOITESSIER décide de s’installer à AHE avec sa nouvelle compagne et l’unique fils biologique de BM, Stephan, en 1975 après son arrivée de LA LONGUE ROUTE à TAHITI.

CAPTAIN  CAP – comme nombre de passionnés d’aventures sur délégation de sa génération – entretien un rapport ‘particulier’ avec Bernard MOITESSIER.

"Donne moi du vent, je te donnerai de l'eau" (B. Moitessier)

Pourtant, BM appartient à la génération de son père puisqu’il naît le 10 avril 1925, 4 ans presque jour pour jour avant Jacques Brel (8 avril 1929)… mais le premier à Hanoï - avant de vivre à Saïgon – dans la grande Indochine française (Tonkin, Annam, Cochinchine, Cambodge, Laos) ; le second à Schaerbeek (Belgique) ce qui fait moins rêver !

CAPTAIN CAP, projetant sur Bernard ses propres vécus coloniaux, lui apparaît comme un pur enfant de 2° génération coloniale : pourri / gâté puisqu’ils bénéficient d’une vie de nabab où l’essentiel consiste à jouir le plus librement des plaisirs de l’existence… tout particulièrement en Indochine française, la perle des colonies !

Lorsqu’il s’engage dans les aventures de ses 20 ans vers 1950, l’Indochine, joyau de l’Empire français depuis 1862 magnifiée par l’Exposition coloniale de 1929 - présidée par le Maréchal Lyautey, conquérant du Maroc -, est morte (et son frère en meurt en se suicidant).

Nombre des enfants des colonies n’ont pas imaginé rejoindre une France qu’ils ne connaissaient pas pour devenir M. Tout-le-monde… en outre le pays qui avait brisé leurs rêves d’enfants devenus jeunes hommes en pleine possession de leurs moyens (cad sans tabous ni limites).

Coucher de soleil à AHE

CAPTAIN CAP estime sobrement que BERNARD fait toutes les c……ies possibles jusqu’à sa découverte d’une France glacée en janvier 1958 après son 2° naufrage sur l’île SAINTE LUCIE aux Antilles, suivant celui sur les îles COCOS 

Toujours pour rejoindre l’inaccessible 1° femme de sa vie, Marie-Thérèse qui donne son nom à ses deux premiers voiliers ‘bricolés’ de ses mains…

A cette époque, ce type de baroudeur transformant les pires galères en aventures magnifiées fait rêver la génération post-2° guerre – donc pré-soixantehuitarde - qui « s’emmerde » dans une France en crise depuis 1940… les terribles évènements 1958-1962 aggravant leur « quête d’ailleurs ».

CAPTAIN CAP a magnétiquement été attiré par le lieu où BERNARD devient MOITESSIER, autrement dit à CHAUFFAILLES (Saône-et Loire).

C’est là que Jean FRICAUD – patron d’une entreprise de chaudronnerie - lui ‘offre’ la coque du futur JOSHUA … et que CAPTAIN CAP acquiert dans les années 1985 une maison de campagne en l’ignorant…[1]

Jusqu’à découvrir après coup pourquoi le plus grand lotissement du village se dénomme toujours LOTISSEMENT BERNARD MOITESSIER … avec une salle polyvalente Jean Fricaud… sans oublier les photos noir & blanc de la coque de JOSHUA en construction insérées au milieu de son plus mauvais livre Vagabond des mers du Sud  !!!

La simplicité biblique de l'église ST JOSEPH de TENUKUPARA (AHE)

BERNARD devenu MOITESSIER, JOSHUA est basé aux Goudes (baie de Marseille) pour ses écoles de voile avant d’enchaîner des voyages au long cours avec la 2° femme de sa vie, FRANCOISE [2]:

·       le plus que classique Atlantique / Panama / Galapagos / Marquises / Tuamotu / Société plutôt BERNARD (les enfants de Françoise ont été laissés à l’internat « pour leur bien »…) et les deux prennent du bon temps dans des lieux à l’époque sans cancer bureaucratico-touristique (Galapagos en particulier, no coment) ;

·      le délirant – et exceptionnel jusqu’à aujourd’hui pour un voilier hauturier’ – TAHITI / ALICANTE par le Cap Horn durant 126 jours de mer, « la route logique de MOITESSIER pour rentrer en Europe » (l’expression - à défaut des pratiques - est restée).

MOITESSIER démontre alors ses exceptionnelles ressources personnelles ; organisationnelles en termes de préparation du bateau et de sa navigation sur de longues durées dans des mers extrêmes ; en termes de navigateur hauturier capable de courage, de force et de résilience face aux pires tempêtes (hors de portée du navigateur moyen).

MOITESSIER est alors prêt pour son Grand Œuvre lors de la 1° édition du GOLDEN GLOBE CHALLENGE[3], LA LONGUE ROUTE (22/08/1968-21/06/1969 soit 130 jours en solitaire et sans escale par les 40° rugissants

Le célèbre COCONUT N° 88 - croisé pour la 1° fois à  GIBRALTAR - participant au GOLDEN GLOBE CHALLENGE au mouillage à l'atoll d'AHE à côté de PAX !

Récit en image que CAPTAIN CAP - qui a rejoint le territoire national le 1Er janvier 1969 - découvre à travers un reportage télévisé visionné par pur hasard (il découvre la TV !) …sans pouvoir en préciser la date (1971/1972 ?).

Ce film de 29 minutes qui reprend les images de JOSHUA sous les hautes latitudes - prises avec la caméra BEAULIEU qui a été prêté à BM – est encore dans la mémoire vive de CAPTAIN CAP !!!

Le livre LA LONGUE ROUTE devient la ‘bible’ de tous les tour-du-mondistes de la génération 68 qui vont pulluler (dont le plus connu est Antoine)…  et surtout des plus nombreux - dont CAPTAIN CAP - qui contemplent les océans du bout des jetées quand le temps s’y prête !

BERNARD change de femme pour une 3éme fois pour ILEANA (nous parlons des ‘officielles’) – et de vie – une fois parvenu à TAHITI (chevelu et barbu / Peace & Love / Cannabis, tabac, alcool / fêtes & causettes / sit-in & pétitions) …

Avant de décider en 1975 d’installer un FARE sur un MOTU de l’atoll de AHE afin d’élever son fils Stephan ‘près de la nature’ …

Le village de TENUKUPARA côté récif

MOITESSIER est impressionné par TOM NEALE (popularisé par son best-seller Robinson des mers du Sud) survivant volontaire sur l’atoll de SUWARROW (NZ) … qui - bien que redevenue déserte - demeure une escale nec plus ultra dans les îles COOK.

BERNARD veut démontrer aux habitants des TUAMOTU qu’ils peuvent être autosuffisants en production de fruits & légumes frais – ainsi que préserver leur noix de cocos de l’attaque des rats des cocotiers en introduisant des chats – à travers le développement de méthodes culturales adaptées au manque d’eau douce des atolls coraliens, ainsi que modes de vie sobres (modes & matériaux de construction, etc.).

MOITESSIER parvient à sa mesure à développer des méthodes culturales et autres pratiques écologiques adaptées… BERNARD ne convainc pas les polynésiens malgré la générosité des intentions de « l’homme célèbre venu d’ailleurs »[4], pacifiste, anti-nucléaire, écologiste, investi dans le bien-être de l’humanité malgré elle…

La suite est connue : retour à MOOREA en 1978 plus que toujours magnifiquement accueillante ; vie trop facile de BERNARD grande gueule narrant ses guerres avec ses potes en instance de clochardisation ; exil raté de 2 ans en Californie (on s’en serait douté !) ; naufrage de JOSHUA sur une plage mexicaine en 1982 du fait d’un ouragan-surprise…

PAX au repos entre les cocotiers de TENUKUPARA

Changement de vie, changement de femme pour VERONIQUE en 1985 à SUWARROW (« le lieu le plus romantique du monde » selon Fanny, la femme de RLS) … qui l’accompagnera les 8 ans que dure l’écriture difficile de TAMATA ET L’ALLIANCE (1993) … ainsi que dans sa longue lutte contre le crabe de 1988 à sa mort le 16 juin 1994 à 65 ans (Jacques Brel l’a précédé depuis longtemps à 49 ans).

CAPTAIN CAP a eu l’honneur de se recueillir sur sa tombe – au style hors norme comparable à celle de Jacques BREL – au cimetière du BONO au fond du Golfe du Morbihan (un cocotier, pas de marbre, des dédicaces, pleins d’objets-souvenirs…).

L’hagiographie WIKIPEDIA affirme que les 4 femmes de sa vie sont présentes lors de son inhumation…

CAPTAIN CAP avec son mauvais esprit ne peut s’interdire de penser : un homme qui parvient à survivre si longtemps en accomplissant quelques œuvres notables 'malgré' 4 femmes est sûrement un être exceptionnel, coté BERNARD comme MOITESSIER

PAX[5] nuance : à moins que ce soit GRÂCE A ELLES, capables de supporter BERNARD pour faire grandir MOITESSIER ?!

Quoiqu’il en soit, lorsque PAX est mouillé - pas parfaitement face aux rafales de vent d’est – dans l’atoll de AHE… chacun aura compris pourquoi. 

L'atoll d'AHE hier, aujourd'hui, demain



[1] Un autre motif de fierté familiale mal placée est que BM devient Visiteur médical – donc libre comme le vent d’aller où et comme il veut ! - pour le Laboratoire pharmaceutique MIDY dont le cousin du père de CAPTAIN CAP est Secrétaire Général (le monde est petit).

[2] L’unique femme à ma connaissance avec laquelle BM passe devant M. le Maire… et pour cette raison, seule autorisée à ajouter le nom de MOITESSIER à son propre nom CAZALIS.

[3] Le GOLDEN GLOBE CHALLENGE – à distinguer du VENDEE GLOBE CHALLENGE dont BM était le parrain de la 1° édition - est aujourd’hui piloté aux Sables d’Olonne en respectant ses principes fondateurs : strict amateurisme, aucun sponsor, bateaux existants, etc…

[4] Le respect des cultures émergent à l’époque n’implique pas encore l’acception de leurs différences, mêmes ‘nuisibles’ du point de vue du ‘sauveur’ auto-désigné … mais n’est-ce pas plus que jamais le cas aujourd’hui même parmi les contempteurs des pires colonisations ?

 [5] En anglais, le mot ship est du genre féminin ; PAX est le pôle féminin du périple.

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