CHRONIQUE 60 HEUREUX LES CŒURS SIMPLES…
PAX s’est déplacée de moins de 1 mille de
la baie d’AVEA à celle d’HAAPU… et le voilà tout seul au
mouillage !
La baie n’a
rien pour plaire aux touristes nautiques ; eau limoneuse et fond de vase !
De multiples
ruisseaux se jettent dans une quasi-lagune des monts escarpés couverts de végétation
multiples qui l’encerclent … sans nulle
eau turquoise parsemée de patates de corail ni plage de sable blanc à l’ombre des
cocotiers !
CAPTAIN
CAP aime changer pour
changer … il trouve dangereux de s’abandonner au confort anesthésiant d’un spot
idyllique… chaque mouillage révèle des secrets différents.
CAPTAIN CAP se lance dans une exploration à terre en profitant du quai parfait – mais interdit aux voiliers - du hameau de HAAPU à l’entrée Nord de la baie.
Après avoir traversé le hameau, le voilà cheminant le long de la route goudronnée qui monte au Belvédère de la Baie de HAAPU à 30 minutes de marche.A mi-chemin,
alors qu’il parvient à la hauteur d’un abri fait de bric et de broc le long de
la route en lacets…
« Attends, attends, j’arrive… (une polynésienne lourde, mal fagotée, d'âge improbable, toute essoufflée et en sueur, sort en haletant de la cour d’une maison cachée par une haie située de l’autre côté de la route en face de la cagna de guingois)
« Où tu vas comme ça, j’ai tout ce qu’il faut pour toi, que je viens juste de finir de préparer (elle montre 2 bouteilles recyclées emplies de liquide quasi-transparent, unique produits exposés sur ce qui se présente comme un étal)
« Et j’ai aussi des noix de coco… regarde dans les glacières (elle ouvre les couvercles de 2 défoncées posées sur le sol)
(CAPTAIN CAP – pressé d’atteindre son but - lui propose de s’arrêter
en redescendant du col où se trouve le point de vue afin de se désaltérer sur
le chemin du retour)
« D’accord, alors je t’attends, je bouge pas… »
(Après être parvenu au point de vue aménagé en Belvédère, CAPTAIN
CAP entame sa descente en espérant éviter la dame qui l’a interpellé…)
La boutique de Cynthia le long de la route
« Tu vois, je suis toujours là… je t’attends depuis tout à l’heure, il faut que j’ai tout vendu pour finir ma journée… Tu comprends, je suis levée depuis 6 h du matin… et j’ai pas arrêté de travailler, tu imagines pas !
Tu t’appelles comment déjà, je t’ai pas demandé tout à l’heure,
j’ai honte… Philippe, moi c’est Cynthia … comme ça on se connaît mieux, on peut
se parler
Aller chercher les
cocos, tu sais tout ce que c’est comme travail… Tu te mets dessous le cocotier et
avec une scie au bout d’un manche tu coupes une coco pour voir si elle est mûre,
sinon elle sera pas assez sucrée… et si il est mûr, tu coupes tout le régime de
cocos… Ensuite il faut les transporter, t’a vu comme c’est lourd… bien sûr avec une brouette, on
voit que t’as jamais coupé de cocos ! Ensuite tu dois les nettoyer un par
un en enlevant la bourre autour… je vais t’en donner un à faire, on verra si tu
y arrives en 2 heures ?! Après je les mets au congélateur, pour que le jus
et la chair soit fraîche quand tu vas la boire et la manger…
Quant aux bouteilles, ça remplace tous les médicaments ;
dans la grande, c’est des feuilles de citrons et d’oranges de TAHITI (pas les vôtres),
bouillies au moins 2 heures, tu bois un verre toutes les 2 heures, et tu es
guéri. Et l’autre, c’est la même chose avec de la menthe ; ça aide à
pisser, t’as pas besoin de pousser, ça sort tout seul ! Regarde, elles
sont encore toute chaude, tu imagines pas le temps que ça me prend pour faire
ça…
Parce que tu sais, en Polynésie, ya que les femmes qui
travaillent du matin jusqu’au soir… les hommes aussi ils travaillent, mais pour
de l’argent, comme ça ils peuvent boire des bières et fumer – souvent trop (moi
je fume pas et je bois pas) - quand ils se retrouvent entre eux… regarde tous
les mégots qu’ils me laissent par terre !
Moi je vis avec un homme qui a des enfants avec une
première femme ; moi j’ai pas d’enfants, je suis vierge, j’ai préféré quitter
ma famille misérable qui est au village, au moins l’argent que je gagne, il est
à moi, j’en fais ce que je veux …
Tu viens de si loin, tout seul… mon cœur s’emballe, je n’y
crois pas, c’est trop dur, comment tu fais, tout seul, sans femme, pourquoi t’a
pas une femme… prends une vahiné avant de partir, elle te doit le respect, elle
te suivra partout, vis pas tout seul !
Goûte la noix de coco, tu vas voir comme elle est bonne (elle
ouvre habilement à l’aide d’un hachoir le sommet de la noix en 4 coups secs)
… t’as vu comme le jus est frais et sucré ? C’est ma dernière pour aujourd’hui…
bois tout bien sûr – comme moi – après tu mangeras la pulpe, tu vas voir comme
elle est tendre…
Les restes des noix de cocos après usage
Moi mon homme, hier, il se met à manger avant de faire la
prière ; je lui dis « attends, il faut faire la prière d’abord ! »
Je dis la prière, il me regarde et il dit AMEN avant de manger… J’ai trop mangé ce matin, du poisson cru avec
du lait de coco, de la viande, des œufs, j’ai trop mangé, j’étouffe !
Je crois pas en Dieu, mais je vais à la messe ; tous
les dimanches, je descends à pied au village et là on fait tous ensemble la
messe, on chante, on prie, de 8h30 à 10h ; après je remonte toute seule à
pied, t’as vu comme je suis grosse – me prends pas en photo, je suis pas belle
-, c’est dur pour moi de remonter la côte… mais la messe, ça fait du bien !
Ouf, j’ai du mal à respirer, le tousse, je mouche, ça va
pas ; t’as pas des cigarettes, je fume pas, mais une juste comme ça, ça me
fait du bien !
Alors s’il te plaît, tu prends les 2 bouteilles … et j’ai
aussi des régimes de bananes vertes… sur les bateaux, ils veulent que des régimes
de bananes vertes, pour les laisser mûrir longtemps qu’ils disent… je vais te
couper 2 mains juste pour toi (elle traverse la route et revient en courant
tout essoufflée avec deux mains)
Combien tu me dois, attends, je vais compter, 500 + 1500
+ … attends, je recommence, la bouteille 1500 + la coco + … Bon disons, ça fait
4000 … tu prends tout, si si, sinon tu seras malade et t’auras rien à
manger tout seul sur ton bateau
Quand j’y pense, j’ai peur pour toi, je vais prier pour
toi, n’oublie pas si tu donnes le bien on te rend le bien, si tu donnes le mal
on te rend le mal, et fait attention aux hommes, les plus proches …
Viens c’est trop pour moi, que je te serre dans mes bras…
et toi aussi, des deux bras ! Je penserais à toi, je ne t’oublierai pas… »
Les emplettes de CAPTAIN CAP
CAPTAIN
CAP redescend la
route goudronnée avec son sac de courses chargé de 2 bouteilles de décoction aux
feuilles de citron/orange et menthe qu’il ne boira jamais ; 2 mains de banane
suffisante pour 1 mois dont il jettera la moitié ; et la pulpe de coco à croquer dans il ne sait quelle
occasion… il est trop tard pour chercher l’épicerie du hameau qui ne doit de
toute façon rien avoir de ce qu’il recherche (fruits & légumes, pain,
viande et poisson frais…).
CAPTAIN CAP regagne PAX qui l’attend fidèle à son mouillage solitaire.
Dans le
crépuscule tombant vers 18h, des cantiques s’élèvent de l’église flambante
neuve des Adventistes du 7° jour… suivis dans la nuit par les rythmes échevelés des tambours tahitiens
répétant avec leurs danseurs leur prochain spectacle, sans doute pour le
concours ORI TAHITI NUI en juillet à PAPEETE.
Il repense à
Cynthia… heureux les cœurs simples… espérance !
Ainsi va la
vie sous le ciel étoilé de la baie d’HAAPU.
J'adore, écris nous plus des chroniques de ce genre... Là vie, que la vie des gens qu'on croise.... Cela fait du plaisir (et j'arrive à comprendre 😝😜😜😜😂😂🤣)
RépondreSupprimerRassure moi, tu n'as pas payé 33 euros (4 000 francs pacifique) pour des bananes et u' noix de coco... Sans compter les deux bouteilles
RépondreSupprimerc’est quoi la formule de la valeur déjà ?? 🤣🤣🤣🤣
SupprimerCombien coûte un verre d'eau dans le désert ?
Supprimerjuillet ce sont les fêtes du Heiva dans toutes les îles. Fêtes / festivités traditionnelles en costumes. À ne pas manquer !! (c’est ça qu’ils répètent)
RépondreSupprimerOui... j'ai payé 33€ pour ... rien ! Je pense que cette tranche de vie illustre un incontournable : VENDRE = QI (pas grand chose) / QE 1000%... toujours être dans les émotions personnelles, les vécus quotidiens, la RELATION, pas la TRANSACTION... et il faut une "intelligence du coeur" (simple) / cerveau limbique ANTITHETIQUE à la froide logique du cerveau cortical... imparable contre moi !
RépondreSupprimerTrès chouette histoire, touchante,humaine. Oui oui, écris-nous plus souvent des récits de rencontre comme celui-ci.
RépondreSupprimer